Carré 67
Carré d'étude réservé par Perrine RODET
Fragments d'un espace oublié
Nom du lieu : Arrêt de bus Eugène Sue
Ici, les murs se parlent et s’observent. Un espace à la fois vaste et intime, où les traces du passé se mêlent aux empreintes du présent. Le bâtiment moderne, imposant, tranche avec l'architecture vieillissante qui l’entoure, ses façades usées mais vivantes, encore habitées par des histoires invisibles. L’édifice est là, semblant observer les immeubles délavés portant leurs tags.
Le lieu semble capter les bruits environnants, comme des fragments du brouhaha d’une ville qui ne sait plus s’arrêter. Le chant des oiseaux se mêle avec les cris d’enfants qui jouent au loin. On entend aussi la sonnerie d’un établissement scolaire, résonnant à l’horizon. La circulation, elle, est plus présente : les voitures s'arrêtent aux feux rouges, le bus s’immobilise un instant pour embarquer ses passagers. Ici, les gens attendent patiemment, comme arrêtés dans leurs courses folles, le regard tourné vers le feu piéton, attendant son signal pour traverser ou vers le bus, arrivant au loin pour les amener vers d’autres horizons.
À quelques pas, un chemin de gravier sépare ce lieu du monde agité de la rue. Le terrain abandonné, avec sa clôture en bois désormais brisée, semble se relier lentement à l’herbe qui profite de l’abandon des citoyens pour gagner du terrain, comme si tout était recréé par le temps. De ce côté, il n’y a pas de banc, ni de route. Seulement deux pneus usés se faisant face comme deux sièges attendant une discussion, un tronc recouvert de végétation et un silence suspendu, qui se crée entre chaque souffle du vent.
Dans cet espace bloqué entre deux vies, l’agitation du quotidien semble aussi éloignée que la tranquillité d’un lieu oublié du monde, le regardant passer sans se sentir observé, tous les regards étant tournés vers la belle façade neuve qui se dresse en face de lui. Les passants, les voitures, les enfants, les oiseaux – tout se superpose et se chevauche. Une cohabitation silencieuse entre l’Homme et le passé, où l’espace se fait vaste, fluide, presque infini.