Carré 37
Carré d'étude réservé par Aurélie PARÉ
Frontière du quotidien
Fin septembre, de l’autre côté de la rue, j’observe la grille du lycée Champollion. Les barreaux fragmentent la vue : dedans la cour, dehors la circulation. Il fait anormalement froid, vent et pluie se frappent aux façades et viennent me fouetter le visage. Les feuilles rouges se détachent sur le beige de l’école, certaines rejoignent le sol, d’autres restent emprisonnées dans le métal mouillé. Au loin, la montagne et la Bastille forment un arrière-plan brumeux. L’odeur des échappements m’empêche de m’envoler complètement. Derrière la grille, la cour vide reste en retrait, protégée mais coupée de ce qui se passe sur le trottoir.
Mi-octobre, je reviens. La barrière n’a pas bougé, mais je me suis rapprochée. La lumière a tout retourné : ciel bleu franc, soleil sur les pierres et dans mon dos. Les feuilles ont jauni, elles se détachent par dizaines plutôt qu’en solitaire. Une étudiante est présente, assise seule à une table, dos à la rue ; sa présence souligne plus que jamais la séparation entre l’espace scolaire et la ville qui défile derrière moi. La Bastille, toujours au-dessus des toits rouges, se détache nettement, comme une invitation à sortir du cadre.
Mi-novembre, je me décale de quelques mètres, côté bar. La nuit tombe tôt, le soleil se cache derrière les nuages pluvieux puis dans l’obscurité. La montagne disparaît dans le noir, remplacée par les lampadaires et les terrasses. La rue s’épaissit de voix, de rires, de portes qui claquent, l’air porte maintenant l’alcool et le tabac. À travers cette même grille, la cour du lycée reste sombre, immobile, traversée seulement par quelques courants d’air. On devine les galeries et les bancs, mais plus aucune présence humaine. La clôture devient une frontière nette entre deux ambiances : l’extérieur animé, bruyant, chaleureux, et l’intérieur silencieux, tenu à distance.
Cette ligne, cette séparation, simple rangée de barreaux en métal, organise ma perception à chaque visite.
Devant la grille, je mesure la distance entre le bruit de la ville et le calme que je n’atteins jamais.

Fin septembre, derrière la grille du lycée, les feuillages rouges et la Bastille brouillée marquent la cour, en retrait de la ville humide.

Mi-octobre, le soleil réchauffe la cour ; derrière la grille, une étudiante solitaire incarne la frontière entre l’espace scolaire et la rue.

Mi-novembre, la pluie et les néons du bar se reflètent sur la chaussée ; la rue s’anime tandis que la cour du lycée s’efface dans l’ombre.


