Carré 31
Carré d'étude réservé par Maïwenn CAILLAUD
Entre poussière et lumière
Nom du lieu : Place Victor Hugo
Ce jour-là, la place Victor-Hugo m’a paru différente.
Je suis restée un moment devant le grillage, face à un espace que je ne reconnaissais pas vraiment.
Le jardin était figé derrière les clôtures, comme mis à distance.
Les arbres d’automne gardaient leurs couleurs, mais tout semblait retenu :
un sol clair, des bancs inaccessibles, des herbes hautes qu’on ne peut plus approcher.
On voyait encore la forme de la place, mais pas son usage.
Les gens contournaient la barrière sans s’y attarder.
Deux passantes ont ralenti, juste un instant, avant de repartir,
comme si le vide au centre de la place ne pouvait être que temporaire.
Le vent passait entre les mailles du grillage et faisait trembler le métal,
un son discret, presque froid.
À ce moment-là, j’ai senti quelque chose d’étrange :
la place était toujours là, mais elle ne s’offrait plus vraiment à moi.
C’était un espace observé, mais pas vécu.
Quelques semaines plus tard, quand je suis revenue, tout avait changé.
Le même endroit, une autre ambiance.
Les chalets du marché de Noël occupaient désormais la place
des lumières chaudes, de la vapeur qui s’échappe des marmites,
des bouteilles alignées, des pancartes écrites à la craie.
Le tissu rouge tendu au-dessus du stand donnait une impression
de chaleur immédiate, presque intime.
L’odeur du vin chaud, du chocolat et des marrons grillés se mélangeaient à l’air froid.
Les voix, les rires, les échanges avec la vendeuse
remplissaient l’espace que j’avais vu silencieux quelques semaines plus tôt.
Je sentais la différence dans mon corps :
le froid sur mes mains, la buée qui montait des casseroles,
et cette impression que la place, d’un coup, devenait plus proche,
plus accessible, presque familière.
Au même endroit où j’avais vu du silence et du vide,
il y avait maintenant une sorte de vibration constante :
des voix, des couleurs, des mouvements, des petites scènes qui se formaient
et se défaisaient en quelques secondes.
La nuit s’installe, sous le marché de Noël, les pas se croisent, la place retrouve l’effervescence.

Nom d’un lieu, souvenir d’un passage.

Le centre de la place inaccessible, en attente de sa transformation saisonnière.

Sous les lumières rouges du chalet, les parfums chauds se mêlent à la nuit et invitent à la pause.


