Carré 29
Carré d'étude réservé par Macéo VERNHES
Comme dans l'œil du cyclone
Nom du lieu : Croisement de la rue Molière et de la rue Docteur Bally
Sur son vélo électrique, le livreur UberEats sillonnait la ville, allant d’un restaurant à un client, puis d’un client à un autre restaurant, sans répit.
Payé à la course, il écourtait ses pauses, parfois les oubliait, sauf celle du déjeuner. Il se rendait alors dans la rue Bally, une artère piétonne et ombragée, refuge où il aimait s’arrêter. Là, entouré de ses collègues, les rires éclataient, les mots s’échangeaient , et, l’espace d’un instant, le poids de la journée disparaissait.
Dans cette bulle de sérénité, les bruits de la ville s’effaçaient : ni les discussions des passants ni le tintement des trams ne venaient troubler leur havre de paix. Les vitrines scintillantes, les bâtiments imposants, tout semblait s’éclipser derrière leur calme éphémère.
Assis sur ces bancs en bois presque oubliés, ils incarnaient le « calme avant la tempête ». Mais cette paix était fragile, brisée par l’appel d’une nouvelle commande. Alors, ils remontaient sur leurs montures, prêts à affronter à nouveau la cadence effrénée de leur quotidien.
C’est ainsi que je m’approchai, sans crainte, tentant d'écouter leur conversation et m'imaginant m’intégrer à leurs échanges. Mais soudain, l’atmosphère automnale m’envahit. Les feuilles mortes tapissaient le sol, l’humidité de l’air venait m’étreindre, et la fraîcheur m’enveloppait de sa brise. Mon regard se posa sur la façade donnant sur la rue Molière, où se dessinait un contraste saisissant : le tabac-presse, usé et effacé par le temps, contrastait avec la splendeur des vitrines voisines, éclatantes et neuves. Le parfum des passants me saisissait lorsque, pressés, ils filaient sans un regard. Puis, un mélange familier de béton mouillé et de douceur gourmande m’envahis, sûrement de chocolat, peut-être, venant de la boutique Leonidas juste derrière moi.
Mais soudain, je vis mon livreur sur la voie du tram, filait vers la gare à toute vitesse. Et sans réfléchir, je décidais de le suivre.