Carré 102
Carré d'étude réservé par Suzanne ROUX
Derrière le maussade carrefour, un écho de notre Humanité
Le mouvement.
Ici rien n’est immobile. Une file incessante de voitures va et vient avec force vrombissements. Cette rumeur constante, ronflante, ne s'éteint jamais.
Le son est omniprésent. Véhicule qui démarre, véhicule qui s’éloigne rapidement, véhicule qui s’approche. On entend dans le garage de l’autre côté de la route des bruits mécaniques.
Des gens passent, les bras chargés de sacs de victuailles. Seuls l’action, le mouvement, le temps s'envolant comptent.
Cet endroit n’est qu’un passage, une étape, un lieu qu’ils oublieront sitôt qu’ils l’auront quitté.
Klaxon, voix, vrombissements.
Des personnes traversent la route en claudiquant, tirant leur chariot de course derrière eux. Ils croisent des parents avec leur enfant, tenant des sacs remplis de nourriture odorante.
Bruits des magasins, bruits du garage, vrombissements.
Cet endroit est, en somme, l’archétype de ce qu’est notre monde, de ce qui doit devenir le monde d’avant. Une course à la vitesse, à la consommation.
Pressés ; se dépêcher ; plus vite ; pressés.
Pourtant malgré tout cela, ce bruit, ce mouvement constant, ces personnes impatientes voulant si avidement gagner du temps, ces klaxons, il règne une atmosphère de paix, de sécurité sur ce bord de route.
Une légère brise accompagne la chaleur du Soleil et les pépiements discrets des oiseaux.
Peu à peu s’installe une routine. Les voitures circulent, les gens marchent ; rien d’inattendu ne se produit.
Ce lieu semble alors hors du temps, éternel. Par ce mouvement constant, par cette absence d’aléatoire, on a l’étrange impression de regarder cette scène de très loin, comme un spectateur de film ou de tableau de musée. Par cette course incessante au temps qui semble si vaine, mais aussi par ces gens qu’on voit défiler, parler de choses si banales mais témoignage de leurs expériences de vie, on a l’impression d’entrevoir ici un pan de notre Humanité ; c’est ici que nous Sommes et que nous sommes à notre place, cachés derrière un rideau de banalité.
Le vieil homme marche au pas. A contrario des automobilistes, il sait qu'il vaut mieux arriver en retard dans cette vie qu'en avance dans la prochaine
Au bout du sentier de verdure, une large route en bitume. Ici se rencontrent calme et bruit, repos et angoisse.
Dans ce quartier aux immeubles décrépits et aux affiches écaillées, le temps fait lentement son œuvre. Il est trop tard pour courir...
Les arbres semblent saluer tristement ceux qui quittent cet endroit sans un regard en arrière.